28.5.05

Noyade






Ces derniers jours ont été particulièrement éprouvants. Je ne me souviens pas d'avoir été autant angoissée. En fait, si. J'ai été au même niveau de panique que lorsque je me suis séparée d'Alex il y a 6 ans. Perte de sommeil, plus d'appétit, concentration impossible, disjonctage complet.
La raison ? Plusieurs, en fait.
Le manque de recul, d'abord. Je suis assez désoeuvrée en ce moment, puisque ma chef a très largement anticipé mon départ. Alex bosse beaucoup en ce moment, donc je suis aussi plus souvent seule à la maison. Presque pas de boulot, et beaucoup trop de temps libre pour cogiter.
Il y a aussi le spectre de l'expérience malheureuse de mes parents. Ils avaient fait construire une belle maison, sur un terrain appartenant à mon grand-père. Il y avait beaucoup de possibilités, et donc de travaux restant à finir. Puis mon père a perdu son boulot, et n'en a jamais retrouvé un de même niveau. Tout leur argent est passé dans le remboursement de la maison, qui n'était jamais confortable parce qu'ils ne pouvaient plus finir les embellissements. Ils ont passé plusieurs années à se mettre de côté, plus de loisirs, plus de vacances, à essayer de sauver cette maison. Pour finir par la vendre, la mort dans l'âme et quasiment sous les huées de mes tantes.
Et puis, je réalise que j'ai besoin de tout contrôler. Je panique dès que je ne suis pas certaine de ce qui va se passer, surtout avec des enjeux financiers aussi importants. Je suis incapable de me dire "des milliers de gens achètent des maisons tous les jours, y a pas de raison que ça se passe mal." Je n'ai ni la positive ni la inch allah attitude, sur ce coup là !
J'avais besoin d'être rassurée, parce que je ne connais rien en matière de vente immobilière, encore moins en urbanisme. Comme le compromis a été signé très vite, et un lundi de Pentecôte, impossible de contacter le moindre "expert" en la matière, ni notaire, ni mairie pour avoir des explications. Même mes parents, en vacances, étaient difficiles à joindre.
Du coup, le week end du 14 a été assez stressant.
Pourtant, le lundi soir, après la signature, j'allais mieux. On avait revu la maison, j'étais confortée dans notre choix, je savais qu'elle était bien. Je ne regrettais plus de ne pas en avoir visiter plus.
Il a suffit d'un coup de fil de ma chère belle-mère, manifestement pétée, pour faire fondre ma belle assurance. "Le quartier a été bombardé par les allemands, la maison est pourrie, elle va vous tomber dessus, faut pas l'acheter." Merci pour ce conseil tardif. Juste ce qui fallait pour me mettre la puce à l'oreille à propos d'une innocente petite fissure sur la façade. Elle a du bol que j'aille mieux, sinon, sa fête des mères aurait été un vrai festival de bouderie.
Le top a quand même était la réponse du type de la mairie le lendemain. "Non, vous ne pouvez pas bénéficier de l'autorisation de construire un garage accordée au propriétaire, il faut en refaire une. Et y a rien de sûr sur le fait que vous l'obteniez".
Aujourd'hui, tous ces détails techniques sont réglés, mais j'ai passé une des pires semaines de ma vie. J'ai été complètement déstabilisée, déboussolée. Alex m'a dit que j'avais été tellement pénible qu'il s'était posé des questions sur notre avenir.
En fait, je crois que j'ai tellement attendu ce moment où j'aurais ma mutation et où on quitterait cet appart, que je n'ai pas supporté qu'il y ait la moindre différence entre mon rêve et la réalité.
Je n'avais plus aucune des certitudes sur laquelle ma vie est basée : plus certaine de l'amour d'Alex, plus confiance en notre principal projet, et même plus confiance en mes choix professionnels, vu le peu d'intérêt de mon boulot en ce moment.
Bref, un véritable trou noir, l'impression de se noyer à l'intérieur de soi. Et surtout, l'impression que personne ne comprend, puisque tout le monde trouve que j'exagère. Ce qui n'est pas faux.
Au milieu de tout ça, un joli moment quand même. Le fait de croire l'amour d'Alex remis en cause m'a remis les pendules à l'heure. J'ai réalisé que c'était ça le plus important pour moi. Rentrer le soir, et savoir qu'on va passer une soirée ensemble, un simple apéro et plateau repas.
Je me suis sentie tellement comblée par sa présence, que l'envie d'avoir un enfant m'a paru tout simplement superflue (ça va pas durer, Loulou, dommage, hein ?).

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