1.11.06

Passe le message à ton voisin

... ou des nouvelles fraiches de mes aventures au cabinet du Dr G.

Je disais quelques posts plus bas que je commençais à gérer à peu près normalement mes angoisses, surtout grace à la technique d'exposition.
Quand un doute m'assaille, je commence par le regarder au microscope ultra-lucide, puis je réponds à mon questionnaire mental : à quel point est-ce probable, est-ce grave, et si oui que puis-je faire pour y remédier. Généralement, on désamorce pas mal de bombes.
Pour celles qui résistent, on passe à l'exposition. C'est quelque chose, l'exposition. A mi-chemin entre les montagnes russes et Orange mécanique. Il faut s'enchainer à un fauteuil et se mettre des écarteurs sur les yeux. Ensuite, se projeter le scenario de son angoisse, jusqu'au bout, jusqu'au pire moment, et ne pas fermer les yeux. Ca secoue. Il faut recommencer jusqu'à ce que ça ne secoue plus, ou presque. On se vaccine doucement contre cette angoisse là, et petit à petit, on commence à croire sincèrement qu'on pourra y survivre. Ne pas hésiter à faire des doses de rappel quand le besoin se fait sentir.

Bien, la gestion des angoisses, ça, c'est fait. Je m'attendais à être félicitée et poussée gentiment vers la sortie quand j'ai revu le Dr G après les vacances d'été. Effectivement, elle m'a félicité. C'est une grande victoire qu'il faut vous attribuer, elle a dit. Et une autre grande victoire que de ne plus compulser, elle a ajouté.
Ensuite, elle a repris sa fiche et a dit : maintenant, il serait souhaitable d'analyser votre alimentation pour vous mettre sur les rails d'un véritable amaigrissement.
Ah. Des résultats. Elle veut des résultats. Bon.

Elle m'a donné quelques conseils alimentaires à suivre sur 15 jours. A la scéance suivante, j'avais pris 1 kg.
Elle a conclu qu'il restait un blocage qui permettait à mon cerveau de ralentir mon mécanisme endocrinien. La classe, mon cerveau est vraiment trop puissant. Si j'apprenais quelques techniques de manipulation, je pourrais devenir maître du monde.
Elle m'a donné comme sujet de méditation pour la semaine "pourquoi je ne veux pas maigrir".

La réponse a été immédiate et lapidaire : pour dire merde.
J'ai quand même du expliciter un peu et lui raconter que par peur de déplaire, je me conformais systématiquement à ce qu'on attendait de moi, en toute circonstance et toute occasion. Que mon poids était mon domaine de liberté et de rebellion, où je faisais bien ce que je voulais et uniquement ça : manger n'importe quoi à n'importe quelle heure, un sandwich 1h avant le repas si je veux, et je t'emmerde. Je suis grosse et moche, mais je suis une poupée qui dit non pour une fois. Tu es mon papa, ma maman, mon mari, mon ami, et tu m'aimes pour des tas d'autres raisons, alors tu vas continuer de m'aimer comme je suis et pas comme tu veux que je sois.
Ses commentaires ont été immédiats et lapidaires, également. A votre âge, à qui croyez-vous encore devoir obéir ou désobéir, sinon à vous ? Ahem.

Elle a explicité aussi le concept de résilience. Elle dit que les soufrances que j'ai pu ressentir enfant quand mon comportement n'était pas conforme ne sont pas calmées. Mais que comme je suis maintenant une grande fille, je ne peux pas aller voir ma maman pour me faire bercer, et que donc, je dois le faire moi même.
En voilà une bonne idée : je n'ai plus qu'à tanguer comme les enfants des orphelinats de Ceausescu qui se berçaient tous seuls, et je vais maigrir !

Une fois la surprise passée, ça ne me parait pas complètement idiot, comme idée. J'ai justement eu une discussion tout récemment avec une mienne amie qui se se désespère de trouver la personne qui comblera la béééééééance en elle. Je lui expliquais que je trouvais injuste de faire porter la responsabilité de réparer le passé à quelqu'un qui débarque tout juste dans votre vie et qui a comme tout le monde ses propres valises. Il me semble que si on veut être aimé, il faut donner un peu l'exemple, sous peine de se retrouver à reprocher à l'autre ce qu'on ne parvient pas à faire soi-même . Je suis une merde, mais tu dois m'aimer et me réparer. Reconnaissez que c'est moyennement vendeur comme accroche.

Le Dr G m'éclaire un peu sur coup là. Il n'y a pas que les fous qui se parlent à eux mêmes. On a tous un dialogue intérieur, et généralement, on ne se dit pas des choses agréables. Pourquoi ne pas se parler pour se rassurer ou se consoler ?
Tout ça est un peu décousu, mais je fais aussi le lien avec les parents qui claquent leur gosse qui chouine parce qu'il est fatigué et énervé, sans raison précise. Il a probablement juste besoin d'un calin et d'être mis au lit. Souvent, il récolte une grande baffe et un "comme ça, tu sais pourquoi tu pleures". En réalité, c'est surtout le parent qui sait pourquoi son gosse pleure.
Je crois qu'on se fait souvent la même chose. On est blessé, fatigué, enervé, sans trop savoir pourquoi, on attend quelque chose de l'autre mais on ne sait pas bien quoi, on est frustré de ne pas l'obtenir parce qu'on n'arrive pas à le demander, alors on adopte un comportement totalement inadapté au problème : on se fait mal en se faisant éclater l'estomac, ou en faisant délibérement capoter les choses. Comme ça, on sait pourquoi on pleure.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis entièrement d'accord avec la conclusion.
Et je salue le cheminement intellectuel, vrai que tu aurais pu dominer le monde à l'aise les doigts dans le nez et le cul sur un matelas pneumatique au dessus d'un océan infesté de requins sans même frissonner, j'en suis certaine.
Oui mais voilà, tu n'es pas qu'un cerveau.
Et savoir ou même comprendre ne permet pas ni de gérer ni de "faire ce qui doit être fait".
Parce que tu n'es pas qu'une machine pensante, tu es aussi une machine sensible, peut être beaucoup plus que la moyenne.
Et la chimie contrôle autant tes pas que tes muscles le font.
Impulsion et pulsion sont difficilement séparables. Se bercer soi-même c'est le rêve absolu, être capable de le faire et d'avoir moins peur la nuit juste par auto conviction c'est une belle idée.
Je pense que c'est totalement infaisable.
Tu peux juste allumer la lumière et vérifier 50 fois sous le lit que le monstre est bien là, mais endormi pour ce soir.
C'est déjà beaucoup. Mais ce n'est pas assez.
Le rationnel raisonné n'existe pas ailleurs que chez les cyniques. Et tu es loin de l'être.
Réussis juste à trouver l'interrupteur, mais ne te balance pas sur ton lit comme une autiste, ça me déplairait.