Deuxième épisode des aventures de Mel au pays de la réeducation alimentaire...
Ma diét, donc, s'est montrée ravie de mon farouche refus de me mettre au régime.
Durant une heure, elle m'a fait retracer tout mon parcours pondéral, franchement apparenté aux montagnes russes. Elle m'a aussi interrogé sur ma relation avec la nourriture, et je lui ai parlé de mes compulsions désormais maîtrisées, du retour dans mon assiette d'aliments diététiquement incorrects que je bannissais autrefois, de ma difficulté à percevoir la satiété dans certaines circonstances. Elle m'a aussi interrogé sur mon rapport avec mon poids, sur mes exigences en terme de perte.
Ses commentaires sur ce point m'ont confirmé qu'on était bien d'accord à la fois sur l'objectif et sur la méthode, que je n'étais pas face à un amaigrisseur de plus. Pour elle comme pour moi, il n'est pas question de se voiler la face, mon poids est vraiment trop important (j'étais obèse morbide lors de cette première consultation). Pas la peine pour autant d'en faire des caisses là dessus. Rien ne m'a jamais plus énervée que ces professionnels qui m'affirmaient avec condescendance que je prenais des risques avec ma santé, ma vie amoureuse et ma vie sociale. On m'avait même prédit quand j'étais ado que je ne trouverai pas de boulot. Aucun n'a jamais imaginé que je vivais dans ce corps 24h/24 et que j'étais déjà au courant de tout l'éventail de problèmes qu'il pouvait me poser. Aucun ne m'a jamais envisagé autrement que comme une somme de kilos, un tour de taille à réduire au plus vite, si besoin à coup d'amphétamines. Mais je m'égare…
Ma nouvelle diét adorée a jugé qu'il serait préférable que je maigrisse. Que puisque mes compulsions étaient terrassées, que ma relation avec la nourriture était désormais apaisée, on avait toutes les raisons d'y parvenir. Compte tenu de mon parcours, elle m'a directement admise en RA niveau II avec pour objectif de trouver MON équilibre alimentaire. Le niveau I étant consacré à la (re)découverte des sensations de faim et de satiété, qui déterminent la quantité d'aliments.
Elle n'a pas cédé à la mode puritaniste nutritionnelle du moment. Dernière avancée en la matière, affubler tous les paquets d'un logo "manger tue" et toutes les pubs d'un sous-titrage pour mal-alimentants nous invitant à expier en bougeant, surtout si on a commis le péché d'avaler du sucre, du sel ou du gras. Plein de bonnes intentions, mais stigmatisant. Il n'y a pas d'aliments condamnables, pas d'aliments mauvais pour la santé, pas d'aliments grossissants si on les consomme en écoutant ses besoins.
A l'inverse, on ne risque pas de carences graves si on évite ou supprime certains aliments en fonction entre autres, d'aversion alimentaires. Les végétariens sont toujours montrés du doigt de ce point de vue, pourtant les statistiques ne démontrent chez eux aucune carence, puisqu'ils répondent à leurs besoins en protéines différemment.
By-by les diktats du régime équilibré, place au sur-mesure.
En écoutant mes envies, je peux donc couvrir tous mes besoins nutritionnels et adopter des habitudes alimentaires qui correspondent à mon propre équilibre. C'est ce que font naturellement tous les mangeurs régulés, qui composent leur repas sans se demander s'ils ont bien intégrer leurs 5 et fruits et légumes quotidiens, et qui gardent un poids stable.
Pour moi, c'est un peu plus compliqué puisque je dois acquérir cette régulation. Elle se produit presque naturellement quand j'ai un large choix d'aliments à ma portée, au self, au restaurant, à la maison quand je viens de remplir le frigo. Je compose mon repas en fonction de mes envies, j'apprécie chaque plat et je passe au suivant dès que celui que je suis en train de manger ne me fait plus envie, ou quand je commence à avoir plus envie du suivant.
Par contre, dès que je suis confrontée à une pénurie, je gère très mal. S'il ne reste plus que des pâtes dans le placard, alors que j'avais envie d'un steack/courgettes/pommes de terre, je n'arrive pas à cesser de manger mes pâtes quand elles ne me font plus envie. Je persiste à espérer que la prochaine fourchette va satisfaire mon envie de viande, et souvent je dépasse ma satiété. Un mangeur régulé prendrait suffisamment de pâtes pour calmer sa faim a minima et attendrait de pouvoir manger ce qui lui fait vraiment envie au repas suivant.
Pour arriver à déterminer mon équilibre alimentaire, ma diét m'a demandé de noter ce que je mangeais, en estimant les quantités au plus près. Chaque mois a été consacré à une catégorie d'aliment : d'abord les féculents, puis les sources de protéines (viandes, poissons, œufs, laitages), et les légumes. J'ai donc mangé strictement en fonction de mes envies et de ma satiété, mais j'ai tout pesé à la maison, et noté le nombre de cuillères à soupe à l'extérieur.
J'ai obtenu un tableau assez précis de ce qui me convenait, tant en quantité qu'en qualité. Et constaté clairement qu'après un repas copieux, je mangeais moins au suivant, que le gâteau ne me faisait pas envie s'il suivait un plat trop riche alors qu'il passait très bien après une volaille et des légumes, etc… J'ai pu remarqué aussi certaines constantes dans la composition de mes repas. En ayant fait l'effort de suivre strictement mes envies, j'ai commencé à perdre du poids dès le premier mois.
Ma diét a traduit mes notes en équivalence entre chaque aliment, pour que je puisse suivre mon schéma facilement. Ces mois là, j'étais particulièrement concentrée sur mes envies et mes sensations, mais sur le long terme, il y a toujours des évenements extérieurs qui sont susceptibles de perturber mon écoute. Aussi, je sais quel est mon alimentation "idéale", celle que je dois maintenir le plus souvent possible, tout en laissant la porte ouverte aux escapades loin du chemin que je me suis tracé. Tant que je ne suis pas complètement régulée de ce point de vue, il est plus facile pour moi de suivre cette trame, non pas parce qu'elle est diététiquement correcte, parce qu'elle correspond à la pyramide alimentaire officielle, mais parce que c'est moi qui l'ai mise en place, qu'elle correspond à mes propres besoins. Et le plus drôle, c'est qu'elle n'est pas si éloignée des recommandations habituelles :
Le matin, café sucré avec environ 70g de pain beurré, 1 yaourt maison (lait entier) et 1 jus de fruit.
Le midi, 1 portion de viande (poisson assez peu souvent) avec légumes et féculents, 1 laitage et 1 fruit.
Le soir, même chose, mais la portion de viande est moins importante.
Au niveau caloriques, je suis proche de 1600 kcal/ jour quand les besoins moyens pour une femme sont autour de 2000.
Je ne l'aurais jamais cru possible : à chaque fois qu'un amaigrisseur m'a imposé un régime équilibré assez proche de celui-là, je n'ai pas réussi à le suivre. Et là, quand on ne me demande rien, spontanément, mon corps m'indique quoi manger et réduit lui même les quantités de manière à revenir à mon poids de forme.
Toute la différence réside dans le fait que rien n'est imposé ni interdit. Si j'ai envie de m'éloigner de ma trame quotidienne, je le fais sans culpabilité. Si je mange plus "lourd" à un repas, je ne me punis pas en me forçant à manger du fromage blanc 0% pendant 3 jours pour compenser. Je mange spontanément moins, plus "léger", mais des aliments que j'aime et que je choisis.
Photo by Littlepretty. Jolie conception de l'équilibre alimentaire.
3 commentaires:
Viens zy donc au pays des diktats :
http://www.grenier.qc.ca/images/AUTOGOUVERNEUR12.jpg
Y'en manque un bout pour apprécier pleinement :
http://www.grenier.qc.ca/images/AUTOGOUVERNEUR12.jpg
J'avais déjà lu ta deuxième partie de la RA il y a quelques jours, et maintenant je commente ! À vrai dire je n'ai pas grand chose à ajouter car je suis intimement convaincue que c'est la seule et réelle façon de faire la paix avec soi et la nourriture, en ne diabolisant ni l'un ni l'autre, et en se donnant la peine de suivre ses envies (ce qui représente toutefois un effort, mais quand on perçoit clairement l'intérêt, ça devient naturel) ... Faut dire que lorsqu'on a eu plusieurs années à fonctionner différemment, cela peut difficilement se faire en un claquement de doigts, et tant mieux sans doute, cela permet de changer en douceur ... et de ré-apprendre à se faire confiance ... :-)
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