5.7.07

Plaisir vs addiction

Quand je me suis décidée à sortir de mon addiction à la bouffe, j’ai lu et relu, entendu et réentendu qu’il fallait que je replace la nourriture à sa juste place : une fonction vitale, et non plus y avoir recours en guise de réconfort/plaisir/passe-temps/ armure/anti-stress/étouffe-émotions (rayez les mentions inutiles).
J’avoue que cette vision aseptisée de la nourriture m’a toujours génée, même si j’ai du y souscrire pour marquer une rupture avec mon addiction.

Avec le recul, je crois que je ne la partage définitivement pas.
Cet hiver, j’avais besoin de pauses thé plusieurs fois dans la journée. Je n’avais pas particulièrement faim, pourtant j’avais envie de grignoter un biscuit ou un carré de chocolat en même temps. Je me le suis refusé souvent, pour respecter la consigne « manger seulement en cas de faim ». Parfois, je me le suis accordé, et je n’ai pas pris de poids. Un seul biscuit ne triple pas les apports caloriques journaliers, et puis la régulation se fait sur les repas suivants.
Quand j’ai eu une journée difficile, j’ai envie d’une douche et d’un verre d’alcool pour me détendre. J’obtiens le même résultat en faisant un peu de yoga, mais sans l’effet réconfortant.

Il y a une dimension psychologique, émotionnelle évidente dans le fait de manger. Elles existent, mais je connais peu de personnes qui n’accordent aucune importance au contenu de leur assiette, qui ne mangent que pour vivre. La plupart des gens ont des préférences et des aversions alimentaires, aiment ou n’aiment pas un aliment.
Manger procure du plaisir, d’abord parce que cela permet de faire cesser une sensation de faim désagréable et de satisfaire des besoins nutritionnels spécifiques en fonction des aliments choisis. Et en fonction de sa madeleine personnelle, chacun associe un aliment à une situation agréable et réconfortante. Manger est une réponse naturelle au(x) stress(es). Pas à toutes les sources de stress, évidemment : certaines ont des réponses spécifiques immédiates et adaptées (la peur). Mais il y a des stresses diffus, comme la fatigue, qui n’ont pas de réponse spécifique immédiate (impossible de se coucher à 19h30, pas envie de dormir tant qu’on n’est pas détendu).

Le problème commence quand le réconfort n’est pas au rendez-vous. Quand le plaisir se transforme en addiction parce qu’on cherche dans la nourriture une solution immédiate à tous les problèmes. A défaut de le trouver au premier biscuit, on le cherche jusqu’au fond du paquet. Le stress est toujours là, et en bonus l’écoeurement et l’impression d’avoir agi de manière totalement stupide.
C’est de ce comportement dont je voulais me débarrasser. Mais je n’ai ni la capacité ni l’envie de me transformer en ascète et de me contenter de riz à l’eau. Tant que ça ne me fait pas de mal, j’aime autant que mes actes me procurent du plaisir. Je prends le carré de chocolat avec le café, je laisse la tablette engloutie par désoeuvrement.




Edit : en lien avec ce billet, un article de Zermati sur le trouble du réconfort, ou la version scientifique de ce que je raconte ici.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Et tu fais bien.
Aseptiser la bouffe, aseptiser le sexe, aseptiser la pensée, aseptiser les goûts, aseptiser les fringues, aseptiser, aseptiser, aseptiser....
Bientôt ma belle nous deviendrons des organismes uniquement fonctionnels, non pensants et non resetants.
Du moins c'est ce que je nous souhaite ;-)

Question : tous les gros sont-ils sensibles, par conclusion ? Cause ou conséquence ? En vous remerciant.

Mel a dit…

Sensible ne sachant pas gérer sa sensibilité, choisissant de s'insensibiler à grandes louches de bouffe, échec et sensibilité exacerbée suite à l'état de grossitude. Oeuf ou la poule, serpent qui se mord la queue et chasseur sachant chasser.
Bobo tête.

Anonyme a dit…

bonjour,
15kgs en prime avec ma chimio. A 60ans pas facile à perdre le surpoids. Alors je régime de la façon suivante:
je mange surtout des légumes,sur 2 ou 3 jours par semaine,et je compte les calories.Et puis nulle n'est parfaite, je grignote!!!!! vous connaissez bien entendu. des yaourts, des fruits,du pain (c'est bon). Depuis mon régime/légumes,comptage calories, je grignote moins, pourvuuuuuuuu qué ça douuuurrrre.Bernadette
seniretjournal.
seniorette.canalblog.com

Mel a dit…

Bernadette : les kilos ont tendance à s'installer plus facilement et/ou à partir moins vite avec les années. La faute au métabolisme de base qui ralentit avec la perte musculaire, et la ménopause. Ca aussi, ça fait partie des choses à accepter : plus on vieillit plus on grossit à calories ingérées égales !

Régimez si vous pensez que c'est le bon chemin pour vous. En ce qui me concerne, à 30 ans, j'essaie d'apprendre à accepter (et accepter n'est pas se résigner) mon corps et à lui faire confiance.
A 60 ans et après un cancer, je crois que je bannierais encore plus énergiquement la frustration et la culpabilité attachées aux régimes. Ecouter ma faim et mes envies pour atteindre ou maintenir un poids qui convienne à mon corps, même si ce n'est plus celui de mes 20 ans ou des magazines.
Cetainement le deuil d'un corps idéalisé est plus dur à faire quand on a pris 15 kilos brutalement. Là dessus, j'ai de la chance, j'ai toujours été grosse :) !

Anonyme a dit…

J'ai lu ton billet il y a quelques jours, et j'ai décidé de réfléchir un peu avant de commenter. Voilà qui est fait.

Je suis également de ton avis, et je crois que je ne pourrai jamais considérer la nourriture comme un simple carburant pour mon corps, dénuée de tout autre dimension. D'ailleurs ça ne me parait pas vraiment possible ni souhaitable, car ce serait nier une évidence : manger n'est pas anodin !

Je crois aussi que, pour sortir de mon hyperphagie, il me faudra considérer la nourriture un peu différemment, je suis sur le chemin mais il est bien long et tortueux ...

Mais comme toi, je tiens à conserver des moments de plaisir pur avec la nourriture, où même si je n'ai pas tout à fait faim, ou plus vraiment, mais que l'envie est là, je puisse manger un morceau ! Quelques biscuits avec le thé (comme je te comprends !), un carré de chocolat ou une amande enrobée, etc ...

D'ailleurs, après avoir relu Apfeldorfer (et Zermati, mais je préfère le style d'Apfeldorfer ;-p) et discuté avec la nutritionniste du GROS que je vois, il m'est apparu clairement qu'on pouvait tout à fait manger sans faim réelle, mais par envie.

Il y a certes une base qui nous enjoint de manger quand on a faim etc. Mais après, il y a la réalité sociale, qui fait qu'on ne peut pas toujours refuser de manger quand on n'a pas faim (ce qui ne nous oblige pas à nous reservir 4 fois, il y a des nuances), et que ce n'est pas si grave. Pareil pour les envies de nourriture sans faim, tu l'as justement fait remarquer : on ne grossit pas pour autant, d'autant que la régulation se fait (si l'on en est déjà là, évidemment ...).

Finalement, le tout est d'être capable d'une certaine mesure, car le piège est bien le remplissage ou le trop-manger systématique, qui se passe d'ailleurs souvent par habitude plus que par envie, et qui ne procure pas forcément le plaisir attendu ...

Ce que rappellent souvent Apfeldorfer et Zermati, c'est qu'on ne peut pas tout régler avec quelques principes alimentaires, et qu'il faudra parfois (et dans pas mal de cas) progresser sur le plan psychologique afin de progresser sur le plan alimentaire ...

Billet très intéressant, merci !